Dans une de ses analyses faite l’année dernière, George Friedman, fondateur et directeur de la Stratfor Global Intelligence, l’agence américaine de renseignement et de veille stratégique fondée en 1996, - indique que la Mer Noire est un important centre géopolitique.

„ Actuellement, l’Ukraine et la Syrie et l’Irak sont les deux théâtres d’opérations de guerre potentiellement importants. Sous bien des aspects il n’y a pas de lien entre eux. Pourtant la conception stratégique des Etats-Unis doit se faire à l’idée qu’ils ne sont pas deux théâtres à part mais bien des aspects différents d’un seul et même théâtre. Nous voyons sur la carte que la Mer Noire géographiquement parlant est „la base”, qui relie ses régions. Elle dessine la frontière Sud de l’Ukraine, de la partie européenne de la Russie et du Caucase. Si ce périmètre que j’appellerais le Grand bassin de la Mer Noire était sécurisé alors on disposerait d’un cadre“, estime Friedman.

„Cette idée n’est pas fortuite et j’estime que nous avons suffisamment de raisons de reconsidérer le rôle qui incombera à la région de la Mer Noire dans le développement des processus du monde contemporain“, a déclaré le professeur Dinko Dinkov de la Faculté de Relations internationales à l’Université d’économie nationale et internationale lors de la 3^e Conférence annuelle sur le thème “ Les Balkans au ХХIe siècle – le regard bulgare“.

„ De toute évidence la Mer Noire est au coeur d’une région émergente, qui intègre de nombreux problèmes internationaux, poursuit le Pr Dinkov. – A mon avis, pour comprendre le nouveau qui s’y produit, nous devons relever le fait que depuis 2007 l’UE est sortie sur le littoral de la Mer Noire avec l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’Union. Il se peut que le sens du texte  de la CE, sur la Synérgie en Mer Noire publié quelques mois après notre adhésion à l’UE nous ait alors échappé. La Commission y déclare très clairement que chaque acteur intéressé par la coopération en Mer Noire ne peut en aucun cas se permettre de sous estimer les intérêts de l’UE. Je crois que nous devions en prendre note à ce moment là. Dans la réflexion des analystes américains, y compris ceux de la Stratfor je crois comprendre que la Mer Noire est un point d’intersection de multiples intérêts mais qu’elle est aussi un point de ralliement des projets américains portant sur le Proche-Orient, le Caucase, l’Ukraine, le pourtour de la Mer Noire, les Balkans. Je crois aussi que pour comprendre les processus en cours et les perspectives de cette région, nous ne devons pas perdre de vue le fait que nous avons deux pays riverains de la Mer Noire à la confiance en soi montante et aux ambitions grandissantes de jouer un rôle de plus en plus fort sur la scène internationale. J’ai nommé la Turquie et la Russie. Sans conteste Moscou fait montre de telles ambitions et le fait que la Crimée soit passée à la Russie nous oblige à tenir compte de ce comportement. L’économie de la Turquie qui est actuellement au 15^e ou 16^e rang mondial ambitionne d’entrer dans le top ten des économies mondiales lors de la commémoration du centenaire de la proclamation de la république. Tout ceci indique la volonté de notre voisine du Sud de jouer un rôle de plus en plus important non seulement dans la région de la Mer Noire mais aussi dans les régions à proximité de la Mer Noire“.

Selon le Pr Dinkov on pourrait obtenir des garanties au plan sécuritaire de la région de la Mer Noire uniquement en resserrant la coopération entre tous les acteurs intéressés. Les risques pourraient provenir de tentatives de sous-estimer  les intérêts de tout acteur de poids dans le système international – les pays influents de la Mer Noire, les Etats-Unis, l’UE, notamment. 

„Il est une chose très importante qui devrait faire l’objet d’analyses très poussées – poursuit le Pr Dinkov. – Les normes internationales concernant le régime de navigation en Mer Noire. Nous connaissons tous la Convention de Montreux qui régit les règles de navigation et applique certaines restrictions en particulier à l’égard des forces navales de pays non riverains de la Mer Noire. Je suis avec une grande attention la situation et je constate des tentatives sérieuses de contournement des restrictions découlant de la Convention de Montreux. Du respect du droit international découlent certaines nouvelles perspectives pour des pays tels la Bulgarie et la Roumanie, qui elles sont des Etats riverains de la Mer Noire. J’estime que du point de vue de la politique extérieure commune de l’UE, l’appartenance de la Bulgarie à l’OTAN doit s’inscrire dans une stratégie nouvelle des unions dont nous faisons partie“.