Il y a quelques jours, nous commémorions le 154ème anniversaire de la naissance de Dimitar Kudoglu, mécène de Plovdiv. Par une ironie du sort, à la même date, les flammes ont réduit en cendres les entrepôts de tabac que Kudoglu avait légués à la ville de Plovdiv. Cet événement a soulevé une vague d’indignation et suscité des soupçons de la part des citoyens, quant à la possibilité d’un incendie volontaire pour des raisons de spéculation immobilière.
Pour les habitants de Plovdiv, les bâtiments en question sont plus qu’un patrimoine architectural. Ils sont le symbole de la générosité et de l’action caritative d’un bulgare célèbre, qui consacra des sommes importantes à diverses causes. A l’époque, les nantis distribuaient des fonds généreusement mais l’Etat garantissait également aux donateurs que leurs volontés seraient respectées. Ainsi, le don des entrepôts de tabac a été protégé par une loi, adoptée par l’Assemblée nationale en 1926, qui stipulait que les loyers des hangars financeraient la Maison de bienfaisance et de santé publique de Plovdiv. Kudoglu mit à disposition l’hôtel Tsar Simeon, qu’il avait acheté, pour en faire un établissement de soins.
Le jour de l’inauguration fut soigneusement choisi , le jour de la St Dimitar, le 8 novembre 1927, selon l’ancien calendrier. Pour l’historien Vladimir Balchev qui nous rappelle l’événement, Kudoglu souhaitait une cérémonie simple, mais personne ne put empêcher la foule d’accueillir et de remercier le bienfaiteur. Sur la route menant au nouvel hôpital, ce n’étaient que hourras et fleurs apportées par des milliers de personnes qui allaient pouvoir se faire soigner gratuitement. Au nom de cette noble cause, par un arrêté du Conseil des ministres, du 4 octobre 1932, l’institution de soins fut exemptée de tout droit de douane, taxe ou impôt. En 1940, le roi Boris III et la reine Ioana visitèrent la Maison.
Des milliers d’habitants de Plovdiv ont pu rester en vie grâce à cette institution et à l’argent provenant des entrepôts. On y a soigné les maladies les plus graves de l’époque : la tuberculose, par exemple. C’était un établissement très moderne, avec une équipe médicale et du matériel à la pointe du progrès. Un atout certain pour Plovdiv. Kudoglu a tant fait pour la ville qu’on peut à juste titre le considérer comme son plus grand bienfaiteur. Il était issu d’une famille de commerçants et avait une situation enviable. Il aidait les Bulgares comme les Turcs. Et c’est ainsi qu’on le remercie, en effaçant tout ce qu’il a laissé… Plus de Maison, plus d’entrepôts de tabac…Pour une raison ou une autre, leur vente était criminelle. Des intérêts privés ne peuvent pas vendre un bien immobilier qui avait été légué à jamais à la ville. Il y a quelques années, des citoyens ont tenté de s’organiser pour recréer son conseil d’administration, mais en vain. C’est un souvenir qui s’en va, peut-être aussi parce que le tabac n’est plus la source de revenus qu’il était avant. Malgré tout, je pense qu’il aurait fallu réfléchir à une nouvelle affectation pour les entrepôts. L’Etat lui-même doit entretenir le patrimoine historique. Et justement cet entretien doit être exonéré de taxes, comme en 1936, le maire de Plovdiv de l’époque, Bojidar Zdravkov, avait exonéré de taxes, ceux qui restauraient leurs maisons situées dans la vieille ville et qui ne les laissaient pas à l’abandon comme on le voit actuellement.
Les bâtiments des entrepôts de tabac, construits dans le style viennois, aux façades richement décorées sont vraiment une curiosité architecturale. Concernant leur intégration dans le paysage urbain actuel, le directeur du musée historique de Plovdiv, Stefan Chivachev commente : J’ai vu un tel quartier industriel à Thessalonique, transformé en centre pour la jeunesse, très moderne. Il est constitué d’une trentaine de hangars à tabac et d’ateliers, transformés en galeries d’art, bars, discothèques et établissements de restauration rapide. Au Royaume-Uni, en France, et en Allemagne, de tels ensembles deviennent des musées.
Les hangars réduits en cendres, qui s’inscrivaient dans le programme de Plovdiv « capitale européenne de la culture 2019 », ont amené Vejdi Rachidov, le ministre bulgare de la culture, à faire le déplacement. Il préconise une législation sévère et une intervention de l’Etat pour la sauvegarde des monuments historiques.
Mon avis personnel est que le bâtiment doit être restauré. Quand on acquiert un immeuble qui fait partie du patrimoine culturel, on doit savoir que la propriété entraîne des obligations. Certains voudraient que l’on construise quelque chose de nouveau, Selon moi, tout doit et peut être restauré. En septembre, nous présenterons une modification de la loi, en vue d’imposer de lourdes amendes aux contrevenants. On ne doit pas pouvoir aussi facilement détruire et anéantir un patrimoine culturel. On peut investir dedans, mais cela ne signifie pas que les propriétaires soient libérés de leurs responsabilités.
Version française : Rita Morvan
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