Podcast en français
Taille du texte
Radio nationale bulgare © 2024 Tous droits réservés

Les dentellières se donnent rendez-vous à Pérouchtitza

БНР Новини
Photo: BGNES

Au début du siècle dernier, les femmes de Kalofer confectionnaient des dentelles arachnéennes aux figures plus compliquées que les dentelles de Bruxelles, réputées dans le monde entier et devenues des modèles du genre. Les habitantes de cette belle bourgade au pied de la montagne n’avaient fréquenté aucune académie d’art, pas plus qu’elles n’avaient mis pied dans les grandes villes élégantes de la vieille Europe. Sans être au courant des modes et des tendances, elles se laissaient guider par leur âme qui les poussait à assouvir leur soif d’apprendre et de créer, leur esprit et leur imagination n’étaient pas comprimés dans les carcans des normes imposées.

Pérouchtitza, une des villes emblèmes du temps du Réveil national bulgare nous fait revenir à l’époque où les femmes de Kalofer, autre cité aux traditions centenaires, portent au pinacle l’art de la dentelle, synonyme de finesse et qui conquiert le cœur de l’Europe. L’Ecole dite de Danov – du nom du premier instituteur Christo Danov qui y enseigna, accueille du 8 au 14 septembre tous ceux qui désirent apprendre comment confectionner la dentelle au point de Bruxelles, la frivolité au crochet ou à l’aiguille, la dentelle à jours ou la dentelle à l’aiguille, typique de nos broderies traditionnelles.

C’est Elissavéta Karaminkova qui dévoile le secret de la dentelle au point de Bruxelles aux dames de Kalofer à son retour après la Libération de la Bulgarie en 1878. Tricoter la dentelle devient rapidement une mode, une occupation favorite de ces dames de l’époque. Ce qu’il faut retenir ici c’est qu’elles ne se contentent pas de copier les modèles européens, elles créent une centaine de nouveaux modèles, totalement inédits tant et si bien, que l’on commence à appeler la dentelle au point de Bruxelles la dentelle au point de Kalofer.

Снимка

Très rapidement les dentellières de Kalofer s’organisent et débordant d’enthousiasme ouvrent une école dans leur ville pour y enseigner les points de base, ce qui est tout à leur honneur. En moins d’une cinquantaine d’années, elles créent leur propre style qui leur apporte la consécration internationale  - la médaille d’or à une exposition mondiale et ceci sur le lieu de naissance de la dentelle – dit Ema Jounitch qui enseigne l’art de la dentelle à Pérouchtitza.

Qu’est-ce que les dentellières de Kalofer ont apporté à l’art de tricoter la dentelle?

La dentelle au point de Bruxelles est très fine – on dirait de la gaze, transparente et vaporeuse, mais c’est justement à cause de sa légèreté et de sa finesse qu’elle ne résiste pas à des lavages et à des empesages fréquents – poursuit ses explications Ema Jounitch. – La première innovation introduite par les dentellières de Kalofer est de resserrer la toile pour que la dentelle soit résistante et tienne bon. La deuxième astuce est que nos modèles de Kalofer sont émaillés de dizaines de petites figures en forme de tournesols, de fleurs, d’animaux, d’oiseaux, d’épis de blé. C’est  un autre atout de la dentelle bulgare que de nos jours encore tous ces éléments d’une finesse extrême, eh bien, sont très difficiles à exécuter par les dentellières de Bruges, une autre ville phare de la dentelle.

Снимка

Ema Jounitch rappelle que la dentelle au point de Kalofer coûte une fortune mais que malheureusement en Bulgarie elle n’est pas appréciée. Et elle ajoute: ici les gens qui ont de l’argent ne sont pas ouverts à l’art, à la beauté de ces voiles transparents  et aériens. Au lieu d’acquérir une belle nappe en dentelle, ils s’offrent des nappes dorées en matière synthétique. Au contraire, ceux qui aiment et connaissent la valeur de ces pièces uniques n’ont pas de quoi se les payer, la priorité est d’assurer le quotidien. La dentellière gagne sa vie comme chercheuse à l’Académie bulgare des sciences, mais s’est donné pour mission de faire revenir à la vie une partie des multiples savoir-faire de nos anciens. Il lui a fallu 16 années de sa vie pour mettre la main sur une vieille femme pour qu’elle lui explique comment  manier l’aiguille alêne dénichée au grenier de sa grand-mère.  C’est pourquoi elle est toujours à l’écoute des jeunes qui viennent lui demander conseil et aussi comment s’y prendre pour tricoter la dentelle. Ema Jounitch est confrontée à un constat amer : à la différence de la patrie de la dentelle, Bruxelles, Bruges ou Malines, cette continuité dans la tradition n’existe pratiquement pas chez nous, elles sont rarissimes les fillettes, désireuses d’hériter de leurs grands-mères l’amour et l’art de tricoter la dentelle.

A Bruges, les jours de fête les Flamandes sortent sur le pas de leur porte et tricotent la dentelle, revêtues de leur costume traditionnel. Les touristes les prennent en photo et sont ravis de leur acheter directement leurs superbes dentelles plutôt que d’aller dans les boutiques. Et le plus beau à rappeler dans ce cas c’est qu’aux côtés des femmes on voit des petites filles qui jouent des fuseaux avec une dextérité enviable. Or, ici en Bulgarie, la règle veut que seules les mémés tricotent. Les jeunes femmes ne savent pas ce que c’est que de faire quelque chose elles-mêmes–  le créer dans leur esprit et le réaliser ensuite de leurs propres mains. C’est de ce travail autant manuel qu’intellectuel que nous nous sommes privés depuis des générations déjà. 

Снимка

Pourtant, si nous arrivons à préserver tant soit peu de nos traditions, à faire renaître ne serait-ce qu’un petit moment de notre passé, ce petit quelque chose nous revendra tôt ou tard et nous récompensera au centuple, est persuadée la dentellière Ema Jounitch.

Version française Roumiana Markova

Crédit photos : BGNES



Последвайте ни и в Google News Showcase, за да научите най-важното от деня!

Tous les articles

Vers un nouveau seuil de pauvreté ?

Le Conseil de partenariat tripartite devrait plancher ce lundi, 16 septembre, sur le projet d'arrêté du Conseil des ministres fixant le seuil de pauvreté pour 2025. Le gouvernement propose qu'il soit relevé de 21.3% pour atteindre  326.2 euros. Selon les..

Publié le 16/09/24 à 08:30

Rentrée scolaire en Bulgarie...

Ce lundi, 16 septembre, est le premier jour de classe en Bulgarie. 2331 établissements scolaires ouvriront leurs portes pour accueillir leurs élèves dont 58 000 franchiront les portes de l'école pour la première fois. La rentrée est..

Publié le 16/09/24 à 08:00
La Maison de Spas Balevski

Nouveau site historique à Troyan...

Un nouveau site chargé d'histoire a ouvert ses portes à Troyan, dans la Stara planina, mettant en valeur l'héroïsme des combattants bulgares dans la Guerre balkanique  (1912 – 1913), la Guerre interalliée (1913), la Première et la Seconde guerres..

Publié le 14/09/24 à 12:00