“Dans le contexte de la guerre en Ukraine, la Bulgarie n’a pour l’instant rien à craindre. La situation reste calme, mais nous payons déjà le prix du risque qu’anticipent les marchés financiers internationaux”. Tel est l’avis de l’économiste Latchézar Bogdanov de l’Institut d’économie libérale. A ses dires, les investissements bulgares en Russie sont quasi-inexistants, alors que le volume de nos exportations n’a pas dépassé les 500 millions d’euros en 2021.
Malheureusement, l’Ukraine se remettra difficilement des ravages de la guerre…
“Les destructions sont immenses et il ne s’agira pas uniquement de difficultés dans les échanges commerciaux, mais d’infrastructures à reconstruire, de bâtiments et d’immeubles à réhabiliter…Bref, le retour à la paix sera très cher payé…
Quant à la Russie, elle devra subir les conséquences de toutes les sanctions économiques et financières qui lui sont imposées. Et d’ailleurs, leur impact sur le système financier russe se fait déjà ressentir. La monnaie nationale, le rouble, a perdu de sa valeur, sans compter avec l’interdiction de quitter le pays avec de l’argent liquide… ”
L’Europe devra aussi reconsidérer ses relations avec la Russie…
“ Ce sont les matières premières, notamment le gaz et le pétrole qui rendent l’Europe dépendante de la Russie, mais même en hiver, les importations russes ne constituent que 27.28% de la consommation générale, et ce chiffre est en baisse constante. Il y a des années, les importations de gaz russe atteignaient 40%.
En revanche, l’économie russe est très dépendante de ses ventes à l’Europe. Concernant le gaz naturel, ses alternatives d’exportations, hors Europe, sont minimes. Elle pourrait se retrouver avec la Chine pour seul client, mais cette dernière ne dispose pas d’un réseau de transit du gaz. Bref, le risque politique pour la Russie est immense… ”
Qu’en est-il des risques économiques pour la Bulgarie ? Nous assistons à une envolée des prix du gaz et du pétrole…
“Pour l’instant, nous continuons toujours de recevoir des livraisons de gaz russe. Malheureusement, le prix du pétrole a explosé, alors que celui du gaz russe s’est effondré suite au refus de nombreux clients européens d’acheter russe. Les bourses mondiales calculent les retombées négatives si des sanctions encore plus lourdes frappaient la Russie et que les livraisons étaient suspendues.”
Et le tourisme bulgare ?
“Ces dernières années, les touristes russes et ukrainiens ne représentent que 3% à 8% de tous ceux qui séjournent en Bulgarie. La pandémie du Covid-19 a imposé des contraintes sanitaires qui expliquent en partie le reflux de touristes. Je pense même que le secteur qui a déjà encaissé un choc il y a deux ans devra faire face à un deuxième, mais soyons réalistes, les touristes de Russie et d’Ukraine ne constituent que 10% de tous ceux qui visitent la Bulgarie.”
Près de 2 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays, cherchant refuge dans des pays européens. A la date du 7 mars, la Bulgarie a accueilli 38 000 réfugiés dont 60% en transit. Sommes-nous prêts à gérer un flux important de réfugiés ?
“Le paradoxe est là…Depuis des années, des associations d’entreprises cherchent à faciliter l’accès des ressortissants de pays tiers au marché bulgare du travail et l’Ukraine est l’un des pays qui pourrait nous fournir en main d’œuvre. Or, nous nous retrouvons dans une situation qui fait que la Bulgarie n’est toujours pas préparée à embaucher des réfugiés, même si l’Union européenne a décidé de leur octroyer le statut de protection temporaire qui leur permette de travailler. Nos procédures et nos institutions ne sont pas prêtes à relever ce défi. Or, il faut que les pouvoirs publics s’organisent et fassent le nécessaire pour permettre aux Ukrainiens qui ont fui leur pays de trouver un emploi en Bulgarie.”
„La guerre en Ukraine a fixé un prix à la sécurité. Pendant de longues années, les Européens ont vécu avec l’idée que la liberté était acquise et qu’il ne fallait pas faire de dépenses pour se protéger contre une éventuelle agression. L’urgence pour la Bulgarie est de mettre en exploitation le plus rapidement possible l’interconnexion gazière avec la Grèce pour avoir une alternative aux livraisons de gaz russe. Je dirais même que c’est plus qu’une urgence…”
Photos : EPA/BGNES
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