Un moment d’euphorie en soirée entre jeunes… L’inhalation de gaz hilarant est une mode qui séduit de plus en plus d’adolescents par les voyages au-delà de la réalité qu’elle leur propose, aussi éphémères-soient-ils. Toutefois, leur jeu est loin d’être anodin.

La Défenseure des droits bulgare Diana Kovatchéva a appelé à la prise de mesures urgentes contre la vente libre de ballons gonflés au protoxyde d’azote. Le gaz hilarant, le nom vulgaire de ce produit, est souvent consommé dans les boîtes de nuit. Plusieurs enfants en ont déjà subi des dommages, a signalé Kovatchéva en préconisant des initiatives législatives pour limiter sa distribution.

Ce plaisir facile et peu cher peut conduire à une hospitalisation mais aussi à des séquelles neurologiques persistantes, prévient l’anesthésiologue Yassen Grozev. Que se passe-t-il plus exactement dans l’organisme humain lors de l’ingestion de protoxyde d’azote ?

“Dans un cadre médical, ce gaz facilite l’anesthésie générale,” explique le soignant. “Cependant, cela se fait dans un environnement contrôlé et l’administration parallèle d’oxygène est obligatoire. On ne respire jamais du gaz hilarant pur. Lors d’une soirée par contre, les adolescents le consomment à l’état pur ce qui conduit à l’hypoxie, une teneur réduite d’oxygène dans l’organisme qui nuit à tous les tissus car ce qui nous procure la vie nous est retiré, ne serait-ce qu’un bref instant. Lors de l’inhalation trop importante, l’oxygène peut être complètement supprimé du mélange de gaz qu’on respire alors que sa part normale est d’environ 21%.”

Comme le tissu nerveux a une moindre habilité de se régénérer, c’est lui le plus vulnérable lors d’une privation totale du corps d’oxygène. Pourtant, “il n’y a pas d’organe ou de tissu qui n’en subisse pas l’effet, et plus encore en cas d’une consommation extrême,” affirme le médecin. Il démentit l’idée reçue selon laquelle l’inhalation modérée de gaz hilarant ne comporterait pas de risque grave. A titre d’exemple, le système hématopoïétique peut subir des dégâts permanents et le patient peut finir par perdre sa coordination, sa faculté de se tenir debout ou sa démarche stable.

Les ballons remplis de gaz hilarant s’avèrent très faciles à procurer, leur vente est légale et la livraison se fait sur le champ. En revanche, il n’y a aucun contrôle de la police ou des autorités sanitaires.

Plovdiv est une de ces villes dont les parcs et les espaces publics se retrouvent le sol jonché de cartouches vides de protoxyde d’azote au petit matin. Suite à cela, les experts du Conseil municipal chargé des stupéfiants ont entamé une campagne de sensibilisation auprès des parents en renseignant sur les symptômes et les risques associés à la consommation de produits stupéfiants et psychoactifs, dont le gaz hilarant, et en donnant des conférences aux élèves pendant l’année scolaire.

“Le protoxyde d’azote devient beaucoup plus toxique pris avec de l’alcool, ce qui est une pratique fréquente dans les boîtes, ou bien avec d’autres substances stupéfiantes ou psychotropes, y compris les boissons énergisantes, tant appréciées par les jeunes,” avertit la psychologue Daniela Dimitrova associée au programme de prévention de la Municipalité de Plovdiv. “S’il est inhalé d’un cartouche à la place d’un ballon, le gaz hilarant a un effet beaucoup plus fort. Qui plus est, ces cartouches peu chers font souvent l’objet d’importations illégales de la Chine et contiennent des particules fines et des résidus d’huile, ce qui n’est pas le cas du gaz procuré de sources autorisées et destiné à l’usage médical ou à l’industrie alimentaire.”

La Commission de protection des consommateurs entreprend entre-temps des contrôles de jour et de nuit dans les boîtes et les bars et sur les réseaux sociaux pour prévenir la vente en ligne de gaz hilarant. C’est ce qu’a fait savoir la ministre de l’Economie sortante Kornélia Ninova.

“Une interdiction temporaire de vente sera établie pour ceux qui la pratiquent,” a-t-elle indiqué. “Ceux qui n’obéissent pas à cette mesure, sont passibles d’une amende de 25 000 lv (12 500 euros). Comme nous n’avons pas de cadre législatif, j’ai demandé au groupe parlementaire du PS de proposer un amendement de la Loi de protection de l’enfance consistant en l’ajout de deux mots qui pourraient sauver la vie de beaucoup d’enfants. Le texte sur l’interdiction de vendre des cigarettes et de l’alcool à des mineurs doit comporter également une référence au gaz hilarant.”

Edition : Diana Tsankova /d’après des interviews réalisées par RNB Horizon et RNB Plovdiv/

Version française : Maria Stoéva