En ce 2 août, la Bulgarie marque le 119èmeanniversaire de l'Insurrection de la Saint Elie et de la Transfiguration, une réaction à la décision des Grandes puissances (Grande Bretagne, Autriche-Hongrie, Russie, France, Allemagne et Italie) de laisser les régions de Macédoine et de Thrace du Sud à l’Empire ottoman après la fin de la Guerre russo-turque et la libération de la Bulgarie. La lutte contre cette décision prise lors du Congrès de Berlin en 1878 se focalise autour de l'Organisation révolutionnaire interne de Macédoine et d'Edirne et le réseau de comités révolutionnaires bulgares. En 1903, la résolution est prise de préparer une insurrection contre l’Empire ottoman. Selon certains, comme Gotsé Deltchev, elle aurait dû se faire par des troupes de partisans, l’avis qui l’emporte pourtant préconise le soulèvement général de la population.
La révolte commence en Macédoine, autour de Bitola, pour embraser rapidement les villes avoisinantes dont Krouchévo, où est proclamée la République de Krouchévo. Des représentant de toutes les communautés ethniques, bulgare, grecque et valaque, sont invitées à participer à son gouvernement. Son existence ne dure que 10 jours (du 3 au 13 août 1903) mais elle est considérée comme le plus grand succès des insurgés. L’insurrection éclate ensuite dans les régions de Salonique et de Skopje pour gagner, la région d’Edirne le 18 août, fête de la Transfiguration de Jésus-Christ. Les rebelles arrivent à libérer un grand nombre de localités aux alentours de la montagne Strandja et des villes côtières de la mer Noire, Tsarévo et Ahtopol, instituant la République de Strandja qui cependant ne dure que 26 jours. La dernière à se soulever est la région de Serrès (située aujourd’hui sur le territoire de deux pays : la Grèce et la Bulgarie) le 27 Septembre, Jour de la Croix. Conscient de l’inégalité des forces et de la débâcle imminente, le 17 septembre 1903 le QG des insurgés se tourne vers le gouvernement bulgare espérant obtenir un soutien. Pourtant, victime de ses choix politiques et mise en garde par les Grandes puissances, la Bulgarie qui n’est pas prête à mener une guerre ne répond que par un appel à mettre fin à la violence que subit la population bulgare.
Ne pouvant compter que sur ses propres forces, la population révoltée lutte pendant 2 mois contre un ennemi redoutable dont elle n’arrive pas à repousser les attaques. Le bilan est dramatique : 239 combats menés par 26 400 insurgés de Macédoine et Edirne contre 350 000 soldats ottomans, 201 villages incendiés, 12 400 maisons détruites, 4700 morts et 30 000 personnes contraintes de quitter leur foyer et de rechercher le salut en Bulgarie.
Voici le témoignage de Christo Silyanov qui a participé à la rébellion : “L’insurrection a pris une grande ampleur aux alentours de Bitola et d’Edirne. Le peuple était debout voulant sacrifier à la lutte sa vie, ses biens et son honneur. Aucune rébellion sur les Balkans n’a coûté autant de ravages et de victimes innocentes. La Turquie voyait en ces Macédoniens insurgés l’incarnation même de la désobéissance bulgare. Au-delà d’être le plus haut point des combats en Macédoine, les exploits de l'Insurrection de la Saint Elie sont la lourde tribu payée à l’aspiration bulgare à la liberté.”
L’anniversaire de cet événement donne lieu à des commémorations partout dans le pays pour rendre hommage aux défenseurs de la vie libre. Il y a 5 ans, la Bulgarie et la Macédoine du Nord ont pour la première fois célébré ensemble la prouesse des héros de 1903 après que les deux pays avaient signé un Contrat de bon voisinage (à l’issu de 18 ans de négociations). Des délégations présidées par les premiers ministres des deux pays ont offert des couronnes au sarcophage de Gotse Deltchev dans la cour de l’église du Saint Sauveur à Skopje.
Ce geste hautement symbolique n'a pourtant pas pu promouvoir les relations bilatérales de la Bulgarie et de la Macédoine du Nord. Les divergences d’ordre idéologique du côté bulgare et macédonien ne leur permettent pas de commémorer ensemble les événements historiques, y compris l’Insurrection de la Saint Elie et de la Transfiguration.
Pour la Macédoine du Nord, le 2 août marque un autre événement connu sous l’appellation “Seconde Saint Elie” qui s’est tenu quatre décennies après l’insurrection contre l’Empire Ottoman. Il s’agit de la réunion de l’Assemblée antifasciste pour la libération du peuple macédonien (communément abrégé en ASNOM) convoquée au monastère de Prohor Pčinjski le 2 août 1944. L’intégration de la Macédoine du Vardar à la Yougoslavie de Tito et l’instauration de la langue macédonienne y sont proclamées.
Des voix s’élèvent encore à Skopje s’indignant de la tenue en Bulgarie de célébrations commémorant l’Insurrection de la Saint Elie et de la Transfiguration de 1903. Tout en reconnaissant les conséquences de la “Seconde Saint Elie”, notre pays soutient la position selon laquelle L’Etat macédonien a été instauré le 2 août 1944. Toutefois, puisque leurs héros et victimes sont communs, les Bulgares et les Macédoniens ne devraient-ils pas les célébrer ensemble ?
Version française : Maria Stoéva
Photos : BGNES, Ivo Ivanov, Agence nationale des Archives
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