On dit qu’il faut bien fermer les portes de nos maisons pendant les campagnes d’élections municipales, parce qu’il y a tellement de travaux publics dans les rues qu’on risque d’avoir un jardin pavé ou un corridor asphalté si on n’y prend pas garde. Blague à part, l’architecture, l’infrastructure communale et l’urbanisme déterminent la vie au quotidien des municipalités et c’est particulièrement visible dans les grandes villes comme Sofia. Nous nous entretenons sur les problèmes d’aménagement de la capitale avec le professeur et architecte Todor Boulev, enseignant, chercheur et auteur de nombreux projets d’urbanisme.

Le premier plan d’urbanisme global de Sofia date de peu après la Libération de 1878 et englobe l’anneau de boulevards qui reste d’actualité. Aujourd’hui c’est la partie intérieure du cœur historique de Sofia. Ensuite la ville s’agrandit et englobe les villages avoisinants. Le Plan Muesmann* est réalisé à un moment où Sofia a atteint une certaine stabilité du point de vue de la croissance, avec une population d’environ 300-350 000 habitants.

L’urbanisme met en place la politique de la ville et impose des restrictions sur les ambitions des individus et des institutions.

Ce qui est bien dans le Plan Muesmann est qu’il est très clair et c’est pourquoi on continue de le citer, bien que certaines de ces idées soient tombées en désuétude. La plus importante est que la ville doit être constituée de quartiers relativement autonomes séparés par des zones vertes et que le centre-ville doit également être entouré de verdure. C’est un plan quelque peu utopique, parce qu’il ne prend pas en compte le développement industriel. Mais l’idée de base est tout à fait d’actualité. Le Plan Muesmann introduit plusieurs zones de construction avec des hauteurs clairement définies. C’est ce qui nous fait défaut : la régulation des hauteurs qui a été pratiquement abandonnée et nous voyons à présent à Sofia des bâtiments construits au petit bonheur la chance à des hauteurs très diverses qui transforment la ville en un conglomérat bizarre.

Le Plan Muesmann anticipait une population de Sofia de 500 000 habitants maximum et les rues sont conçues pour 65 000 automobiles. Mais dès 1965 les habitants de la capitale atteignent 800 000 et en 1985 ils dépassent 1,1 million. De nos jours la population de Sofia est de 1,35 million d’habitants et les voitures enregistrées sont plus d’un million. Si on y ajoute les bus et autres poids lourds, les véhicules motorisés sont autant que les habitants.

Jusqu’en 2006 c’est le plan d'urbanisme de l’architecte Luben Neykov de 1961 qui est en vigueur pour la capitale. En 2006 l’Assemblée nationale adopte un nouveau plan d'urbanisme qui tente de juguler l’arbitraire des investisseurs et des propriétaires de terrains dans le bâtiment.

Le principe de la ville est tout de même que tous les gens ont droit à de l’espace, de l’air, du soleil, d’un accès libre à des zones vertes, etc. Actuellement beaucoup de choses se passent à Sofia qui n’ont pas été prévues dans le plan d'urbanisme, comme par exemple le désir de construire des bâtiments assez élevés à des endroits qui souvent ne s’y prêtent pas. Nous avons pris du retard dans la définition de régulations et de critères clairs pour évaluer l’impact d’un bâtiment sur ses environs. Pour l’instant cela n’existe pas à Sofia.

La mise en application d’une loi dépend du degré auquel le public est prêt à l’accepter. Il ne faut pas se voiler la face : l’aménagement des villes est soumis dans une grande mesure à une logique économique. Et les plans d'urbanisme s’efforcent de combiner cette logique à une logique et une justice sociale, souligne l’architecte Todor Boulev.

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*L'architecte et urbaniste allemand bien connu Adolf Muesmann de Dresde a élaboré le plan d’urbanisme de Sofia en 1938.

Version française : Christo Popov