Selon des documents ottomans plus de 500 derviches vivaient et étudiaient au téké (site religieux musulman) Elmali baba près du village Bivolyané dans la commune de Momtchilgrad, dans le sud du pays. Ce téké était considéré par le passé comme le plus grand centre des derviches dans cette partie des Balkans. Il disposait d’une riche bibliothèque de plus de 3000 tomes dont une grande partie ont disparu. Les habitants locaux affirment que c’est là que fut enterrée Fatima, la fille bien-aimée du prophète Mahomet.
Les derviches étaient des moines islamiques faisant partie de l’ordre militaire des bektachi, l’analogue musulman des templiers. « Ce sont des derviches qui ont fait vœu de célibat », dit Muharem Aliosman, spécialiste en histoire locale et directeur du foyer de lecture (tchitalichté) du village proche Zvinitsa :
Ce sont des gens éduqués, qui apprennent dans les tékés l’alphabet, le Coran, ils écrivent des livres à la main. Le centre possédait une grande bibliothèque avec beaucoup de manuscrits, mais ils ont été confisqués, probablement dans les années 20 du siècle dernier. J’ai rencontré des gens qui conservent des manuscrits concernant le téké. Les derviches apprennent aussi à soigner les malades par des incantations et la lecture du Coran sur une surface d’eau. Les gens guérissent par la prière et les plantes médicinales.
Le candidat à devenir derviche devait subir des épreuves dans une pièce étroite et obscure sans nourriture et sans eau pendant trois jours.
Le derviche doit atteindre un niveau spirituel lui permettant de lire les pensées. Le jour suivant on lui demandait de quoi avait rêvé le sheikh du téké et s’il répondait correctement, il était reconnu derviche. Les écoles des derviches comme le soufisme sont des pratiques de perfectionnement spirituel. Ceux qui y parviennent sont appelés des saints. Ils pouvaient guérir les malades, certains pouvaient léviter, faire pleuvoir, voir l’avenir. D’après une de leurs vieilles prédictions ces terres deviendront un désert, raconte Aliosman.
Le centre religieux près de Bivolyané a fonctionné sans interruption du XIVe au début du XIXe siècle. De nos jours le téké Elmali baba est restauré. Il a une crypte avec six tombeaux masculins et un tombeau féminin dont la croyance dit que c’est celui de l’enfant unique du prophète Mahomet, sa fille Fatima.
Et les derviches ? Ils sont toujours là ! Il y a beaucoup de derviches en Bulgarie même maintenant, note l’historien et chercheur Gueorgui Koulov :
Ils ne s’affichent pas comme derviches. Ce sont des gens spirituellement évolués qui se sont consacrés à l’alévisme et diffusent sa doctrine et des informations sur le bektachisme.
L’alévisme est un courant de l’islam. Selon une théorie ses adeptes dans les Balkans sont des descendants des bogomiles. Ils accomplissent leurs rituels avec du vin et des bougies et consomment de l’alcool. Lors des réunions ils préparent le kourban (repas d’animal sacrificiel) et le premier aura lieu en septembre au téké Elmali baba.
Photos: Gueorgui Kyoutchoukov, Sevkie Chakar, Facebook, Bojidar Tcholakov, BGNES
Édition : Vénéta Nikolova, sur un reportage de Valya Apostolova, correspondante de la RNB à Kardjali
Version française : Christo Popov
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