Des millions de gens de par le monde vivent dans des conflits armés et subissent chaque jour la faim, les maladies et un immense désespoir. Dina Djevali a été contrainte de quitter la Syrie trois ans après le début de la guerre dans ce pays.
Pendant la guerre on voit et on subit des choses terribles. Mon meilleur ami Nizar devait aller faire son service militaire. Quelques mois plus tard j’ai appris sa mort. Ses parents voulaient l’inhumer, mais son corps avait été découvert dans une zone d’où on refusait de le remettre à la famille. En fin de compte ses parents ont organisé une cérémonie funèbre sans enterrement. Quelques jours plus tard ils ont appris que son corps était à l’hôpital et sa mère est allée l’identifier, mais elle n’a pas pu, parce qu’il faisait très chaud à l’endroit où il avait été trouvé et il ne restait pas grand-chose du corps. En fin de compte sa tante l’a identifié et une seconde cérémonie funéraire a été organisée. Je sais qu’en Bulgarie, comme partout ailleurs, les gens souffrent quand quelqu’un meurt. Mais la mort n’est pas la même pour tous. Une mort comme celle de Nizar où il manque des parties de son corps et sa mère n’arrive pas à l’identifier est bien plus affreuse que celle de quelqu’un qui meurt dans son lit entouré de sa famille.
En Syrie, Dina a travaillé pour une compagnie de télécommunications à Damas. Sa famille vivait dans une autre ville à 70 km de la capitale. La jeune femme vivait dans un quartier à la frontière entre les zones sous contrôle gouvernemental et celles sous contrôle djihadiste.
Un matin je me suis réveillée avec un mauvais pressentiment qui m’a fait rester à la maison. Peu après des bombes se sont mises à tomber. Cela a duré des heures, je n’avais ni eau, ni électricité.
Dans des moments pareils on se sent complètement impuissant et on ne peut que se couvrir la tête des mains, s’asseoir par terre et attendre que cela finisse, note Dina, ajoutant :
C’est pour cela que depuis que je suis en Bulgarie rien ne me semble difficile, rien ne peut m’arrêter. J’ai vécu et subi des temps où on n’avait vraiment aucune possibilité de faire quoi que ce soit. Ici ce n’est pas le cas, mais les gens ont facilement tendance à l’oublier.
Dina arrive en Bulgarie fin 2013. Elle a consulté un thérapeute pour surmonter le stress de ce qu’elle a vécu dans son pays et refaire sa vie. Après plusieurs procédures in vitro elle donne naissance à son fils Harry dont elle dit qu’il est le plus grand cadeau dont elle a pu rêver :
Je dois dire qu’aujourd’hui je ne fais partie ni de la communauté syrienne, ni de la communauté libanaise en Bulgarie. C’est ma façon de vraiment appartenir au milieu bulgare, parce que si je reste parmi les Syriens, j’aurais du mal à tenir. C’est pour cela que j’ai désactivé ma page sur Facebook, parce que j’ai décidé que je ne pouvais pas construire ma vie en Bulgarie tout en suivant mes amis qui sont restés en Syrie. Ma famille est ici, ma vie est ici en Bulgarie et je ne regarde pas en arrière.
Photos: archives personnelles
Version française : Christo Popov
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